Les nabis l’appelaient le Temple, pour Jackson Pollock c’était une grange, pour Jean-Michel Basquiat le sous-sol d’une galerie d’art.

Au fil des siècles, le statut de l’atelier d’artiste a beaucoup changé. Si les ateliers ont longtemps été le siège de véritables entreprises avec un maître, des apprentis, un espace d’exposition, un lieu d’apprentissage, de discussion et d’échanges avec marchands, commanditaires et/ou collectionneurs, ils se sont mués au fil du temps en laboratoires de recherche plus solitaires.

Par sa configuration, sa situation et sa lumière, l’atelier influence la création et son choix n’est pas anodin. En ville ou à la campagne, rattaché au lieu de vie ou indépendant, solo ou partagé, étroit ou spacieux, il offre des possibilités et/ou créé des contraintes, porte une histoire qui enrichit la créativité de l’artiste. Le changement d’atelier peut modifier profondément une production artistique. J’ai aussi rencontré un artiste qui possédait deux ateliers où il développait deux productions diamétralement opposées.

Il règne dans l’atelier d’artiste une ambiance particulière. Si l’on peut y voir un simple lieu de travail où s’accumulent outils, couleurs et supports, où planent des odeurs de solvants, de colle ou autres, il revêt pour moi un caractère sacré car c’est là que le monde intérieur de l’artiste se révèle et prend forme, là que des œuvres nouvelles voient le jour, là que l’artiste organise ses rituels. 

L’artiste qui en ouvre les portes nous laisse entrer dans l’intimité de son quotidien, de ses recherches, de sa manière de travailler et de vivre, j’en suis chaque fois touchée, émerveillée et intimidée.

Je vous invite à mon tour, avec leur accord, à voir ces lieux si particuliers, si personnels. 

Pierre-Noël Bernard peinture

Jardin secret

C’est une pièce à laquelle on accède par un petit escalier dérobé, un endroit presque secret. L’atelier de Pierre-Noël Bernard est un antre, un lieu où il travaille seul, coupé du reste du monde, pour en restituer une vision colorée, énigmatique, proche de l’abstraction, habitée de minuscules personnages, comme vus d’un autre monde.

Sur la pointe des pieds

Alexandre Lamotte a installé son atelier dans une ancienne usine à chaussures réhabilitée. Sur ses toiles, les belles ont toujours… les pieds nus.

Cabinet de curiosité

S’il est courant de trouver des livres dans un atelier, il est plus rare d’y trouver un cabinet de curiosité, des objets hétéroclites conservés pour leur histoire, leur forme, leur durabilité. Pascal Honoré travaille sur le temps et ses traces, ces objets collectés inspirent cette réflexion et témoignent du dialogue qui s’instaure entre sa peinture et son regard sur les petites choses, avec respect et poésie.
Pascal Honoré a installé une poulie pour déployer à la verticale les très grands formats qu’il travaille au sol, ce dernier en garde la mémoire. 

Dans les petits papiers

Dans une belle lumière se côtoient les livres, les journaux bruts, les métaux et bois flottés, la peinture, les œuvres
en cours et celles qui vont partir en exposition. L’atelier de Vanessa Renoux est un lieu joyeux où règnent en maîtres le papier et la couleur.

À la campagne

 Frédéric Fau cultive une certaine forme d’ascèse. Minimal dans ses couleurs, économe dans ses outils, classique dans le choix des supports, il n’a sur son lieu de travail que peu d’exigence, celle de pouvoir poser ses toiles et ses pinceaux. Comme il travaille beaucoup au sol (un autre point commun avec Pollock), si le lieu est grand, le format des toiles pourra l’être aussi.

Un ancien four à pain lui sert d’atelier pendant les mois les plus froids. Dès que le temps le permet, il s’installe dans une grange, beaucoup plus spacieuse. Impossibles à chauffer, poussiéreux, ces lieux sont les vestiges du lien vital entre la nature et l’homme, cette nature qui nourrit en échange d’un dur labeur. Ça me rappelle quelque-chose…

Tout cela parait bien spartiate, pourtant la peinture de Frédéric Fau n’est ni simple, ni austère. La richesse est ailleurs, dans la traduction de la nature qu’il propose, dans sa maîtrise du paysage et dans la poésie qu’il parvient à insuffler à son art.